La panne

Couverture du livre "La panne"
Le livre présenté par Philippe, “La panne” de Friedrich Dürrenmatt, traduction de Armel Guerne paru aux éditions Albin Michel en 1958, réédition le 8 octobre 1986 aux éditions le Livre De Poche
128 pages

Résumé (Éditeur) :
« Nous ne vivons plus sous la crainte d’un Dieu, d’une justice immanente, d’un Fatum comme dans la Cinquième Symphonie ; non ! plus rien de tout cela ne nous menace. »

Notre monde n’est plus hanté que par des pannes. Pannes de voiture, par exemple, comme celle de la Studebaker d’Alfredo Traps, un soir, au pied d’un petit coteau…

Et voilà comment ce sympathique quinquagénaire rencontre ce jour-là son Destin, charmant vieux monsieur qui l’invite à passer la nuit chez lui. Juge à la retraite, celui-ci passe d’excellentes soirées, en compagnie de ses amis, l’avocat et le procureur, à reconstituer de vrais procès.

Celui d’Alfredo Traps commence comme un jeu…

La Panne, ce chef-d’œuvre d’humour noir, a été porté à l’écran en 1972 par Ettore Scola, sous le titre La Plus Belle Soirée de ma vie.

Résumé :
Une panne de voiture, une superbe studebaker, conduit Alfredo Traps, VRP dans le textile, à s’arrêter dans une petite bourgade. Il hésite entre rentrer chez lui en train et rester sur place. En l’absence d’une chambre d’hôtel disponible, on lui indique une villa dont le maitre de maison pourrait éventuellement lui offrir le gîte et le dîner.

Il est accueilli par un très vieux monsieur qui s’apprête à dîner avec ses trois amis. Il lui propose rapidement de participer à un jeu. En effet, chaque soir, ils exercent à nouveau pour se distraire leur profession de naguère. Ils sont juge, procureur, avocat et bourreau. Ils ont besoin d’un « accusé ».

Le dîner s’avère être un festin de mets délicats, accompagné des plus grands vins. Alfredo est sous le charme et se laisse prendre au jeu qui va prendre progressivement une tournure inattendue pour un dénouement surprenant.

Son avis :

Huit-clos enjoué entre bons vivants hédonistes à souhait. On déguste, on rit, on boit plus que de raison. L’auteur nous donne envie de s’asseoir à cette table. Le jeu proposé est pour Alfredo d’endosser le rôle de l’accusé. Lui ne se sent coupable d’aucune irrégularité, d’aucun crime, sauf peut-être quelques aventures extra-conjugales. Que voulez-vous, la chair est faible.

Le procureur qui mène l’interrogatoire va sonder la vie privée d’Alfredo et le conduire à révéler finalement sa part d’ombre et en faire un accusé légitime, ce qu’il accepte. Son avocat, lui va s’ingénier dans sa plaidoirie de défense à en faire un « médiocre » incapable du crime dont on l’accuse. Beaucoup d’émotions contradictoires jusqu’à la sentence du juge dans une liesse générale.

Ce court roman d’humour noir, se lit d’une traite, sans ennui. Original et joliment écrit, il aborde le thème de la culpabilité et de la conscience du bien et du mal et de la confession. On comprend qu’il ait été porté à l’écran par Ettore Scola en 1972 sous le titre « La plus belle soirée de ma vie » avec Alberto Sordi, Michel Simon, Charles Vanel et Claude Dauphin.

Sa note : 4/5

Extraits :
« L’espace d’un instant, il y eut de nouveau comme un silence de mort dans la pièce. Et brusquement, ce fut un tumulte assourdissant, un véritable ouragan de rires, une tempête de jubilation, des cris, des hurlements, des gesticulations insensées. La tête chauve vint embrasser Traps sur les deux joues, le serrer à pleins bras ; le défenseur perdit son lorgnon à force de rire, clamant et hoquetant qu’avec un pareil accusé, on ne pouvait décidément pas se fâcher ! Une liesse délirante avait emporté le juge et le procureur en une folle sarabande autour de la pièce : ils tambourinaient sur les murs, ils cabriolaient sur les chaises, se congratulaient avec effusion, brisaient les bouteilles vides, ne savaient plus que faire pour exprimer l’intensité vertigineuse de leur plaisir. Grimpé sur une chaise au beau milieu de la pièce, le procureur glapissait de toute la force de ses poumons que l’accusé avait avoué, avoué, avoué, et bientôt, assis maintenant sur le haut dossier, il chanta les louanges de ce cher invité qui jouait le jeu à la perfection de la perfection ! »

« Nous ne vivons plus la crainte d’un Dieu, d’une Justice immanente, d’un Fatum, comme dans la Cinquième Symphonie ; non ! plus rien de tout cela ne nous menace. Pour nous, ce sont les accidents de la circulation, les barrages rompus par la suite d’une imperfection technique, l’explosion d’une usine atomique où tel garçon de laboratoire peut avoir eu un instant de distraction ; voire le fonctionnement défectueux du rhéostat des couveuses artificielles.

C’est dans ce monde hanté seulement par la panne, dans un monde où il ne peut plus rien arriver, sinon des pannes, que nous nous avançons désormais. »

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