La voyageuse de nuit

Couverture du livre "La voyageuse de nuit"
Le livre présenté par Elisabeth, La voyageuse de nuit de Françoise Chandernagor, paru le 1er mars 2007 aux éditions Gallimard
336 pages

Résumé :
Que savons-nous de nos ” proches ” ? Lorsque Olga, malade, coupe brusquement toute communication avec son entourage, ne parle plus, ne regarde plus, ce sont ces filles qui ouvrent les yeux – sur ce qui les sépare.

Dans cette famille en apparence si unie, chacune des quatre soeurs a, en effet, sa propre vision de la mort et sa propre vision de la mère.

Les voilà renvoyées à leur enfance, et confrontées à cette vérité : personne n’a eu la même mère. Parce que Olga, silencieuse, les yeux fermés, est en train de s’effacer, chaque fille découvre sur ” le clan “, un clan étrangement matriarcal, ce qu’elle ne savait pas ou n’avait pas voulu savoir – petits secrets qui recomposent peu à peu le puzzle géant dont aucune, jusque-là, n’avait détenu toutes les pièces.

Extrait
« Ce que nous avions connu, à Saulière, à Fontenailles, à la Roche, c’était la mort domestiquée, qui allait et venait dans les maisons comme les chiens et les poulets. Une mort installée dans la pièce à vivre, au milieu de la famille. Pas toujours du grand spectacle (genre Louis XIV s’adressant à ses courtisants, ou le laboureur à ses enfants) mais toujours une mort publique sous un toit privé. Avec ça, sitôt le denier soupir exhalé, une vraie pompe funèbre!on en avit pour son argent : le cadavre dans sa plus belle toilette, les visites, le buis bénit, les horloges qu’on arrête, les miroirs qu’on voile, les veillées du corps avec casse-croûte, le grand deuil, les grandes larmes, les cierges à domicile, le cercueil surmesure, enfain l’enterrement où, derrière la charrette à bras, tout le canton se retrouvait dans un long et joyeux cortège.

C’est plus tard, à Paris, que j’ai dû m’habituer à la mort caché. Hôpital, paravents, isolement, fuite des familles, fuites des soignants, dernier soupir à la sauveyye, sortie par la porte de service, prise en charge par des “pros”, mise au frigo, cercueil en prêt-à-porter, corbillard banalisé,exfiltration définitive par incinération…Le disparu ne repassait pas par sa maison!…dans les grandes villes le décès, abstrait, avait remplacé la mort,obscène. »

Son avis :
La voyageuse de nuit est Olga, fille de Micha le russe et d’une limousine de souche et mère de Katia, Véra, Sonia et Lisa.

Le cancer d’Olga la contraint à passer de chez elle aux soins palliatifs de l’hôpital Louis Pasteur où elle poursuit son retrait de la vie.

Olga pourtant était une femme joyeuse, bonne vivante, dynamique, dont les maisons étaient pleines de fleurs, de bonnes odeurs de nourriture, de détails charmants malgré l’absence du mari officier de marine. Absent physiquement, il l’est aussi du reste dans le discours de cet univers matriarcal.

Est décrit ainsi le passage de l’expression de la vie à un univers rétréci : les volets fermés sur le monde deviennent les yeux que l’on ferme définitivement sur son entourage, les repas sont de plus en plus succincts voire inexistants, les paroles sont rares puis disparaissent, les soupirs tiennent lieu de communication, certains objets deviennent des doudous (liseuse, éventails).

En filigrane on s’interroge sur l’acharnement d’une famille à vouloir au prix d’efforts continus et inefficaces maintenir en survie une femme qui n’a plus envie de vivre.

Le roman s’articule autour du récit des quatre filles qui ont chacune une vision différente de leur mère et de sa fin de vie, la préférée Lisa ne pouvant apporter le même témoignage que Katia la rejetée.

Mais ce qui m’a charmée dans ce roman c’est moins le thème que le style de Françoise Chandernagor.

Cet auteur sait mieux que tout autre vivifier le récit : le quotidien, les petits faits de la vie sont évoqués avec talent, les mots sonnent justes pour exprimer l’intériorité des personnages, la sensibilité est omniprésente.

L’auteur qui sait prendre de la distance met du pétillant jusque sur les murs des soins palliatifs couleur « rose dentier » ou encore « rose gencive », bref l’humour rend supportable l’insupportable.

Sa note : 4,5/5

 

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