Le livre présenté par Cat, « Pastel » d’Olivier Bleys paru le 31 décembre 2001 aux éditions Gallimard.
393 pages
- PRIX FRANÇOIS MAURIAC de l’Académie française
- PRIX GEORGES RINCK
- GRAND PRIX de l’Académie des Arts et des Sciences du Pastel
Résumé :
Au milieu du XVe siècle, en Albigeois, Simon est compagnon dans l’atelier de teinture de son père, Lucas Terrefort. Selon l’usage du temps, l’enseigne «Au caméléon» pratique une seule couleur : c’est le rouge. À la suite du vieux maître, le compagnon se destine à devenir teinturier d’écarlate. N’est-il pas «rouge jusqu’à la figure», avec cette tache de vin sur le visage ?
Mais voici que Simon fait la connaissance d’un riche marchand de pastel, Joachim Fressard, qui l’initie au bleu : cette rencontre et l’appel mystérieux ressenti devant une madone peinte d’azur persuadent le compagnon d’abandonner les cuves familiales pour se lancer dans la teinture au bleu de pastel.
Nés du rapprochement des deux hommes, les tissus «à la Vierge» connaissent rapidement le succès. Cependant, Fressard s’avère un protecteur ambigu, prêt à tout pour étendre sa fortune. Un amour frelaté, des confrères hostiles, la terrible confrontation avec son père achèvent de plonger Simon en enfer : tout n’est pas rose au pays de cocagne.
Vif, animé, empreint d’humour et de poésie, le récit caracole derrière Simon Terrefort à la poursuite du bleu idéal : le compagnon risquera tout pour conquérir l’azur sans tache du manteau de la Madone…
Son avis :
Un étrange roman soutenu par une écriture originale qui nous plonge chez les teinturiers dans cette période sans concession du XVe.
Le Rouge ou le Bleu quitte à en mourir… Une quête sans retour… Un rythme haletant on pourrait même dire un peu trop…
Mais en tout cas une évasion garantie avec la lecture de ce roman que je ne peux que vous conseiller
Sa note : 4,5/5
Extrait
– » La passion de la couleur était ancienne chez Simon Terrefort.
Certains prétendaient qu’elle s’était éveillée dans le sein de sa mère Eléonore, épouse d’un teinturier renommé : à les croire, les robes aux teintes vives que la jeune Albigeoise lâchait sur son ventre nu, les jours de grand soleil, avaient baigné l’enfant dans des climats de couleurs dont son oeil naissant s’était épris.
Un homme de médecine allait plus loin, en soutenant qu’il était passé dans le sang de Simon quelque chose des pigments employés à la teinturerie – ces plantes broyées ou bouillies, ces racines pilées dont les mains d’ Eléonore gardaient longtemps l’empreinte, au point qu’on l’avait surnommée » la fille aux doigts d’arc-en-ciel « .
Quoiqu’il en fût, Simon avait paru à la naissance, le deuxième de mai 1423, affligé d’une feuille de chêne ou davantage. Elle répandit partout le bruit que l’enfant était né » marqué par la couleur ».
– » Dame, la figure du petit est tout éclaboussée ! – » s’exclamèrent les matrones en baignant le nouveau- né dans une cuve de bois. – » C’est comme une toile à teindre quand on y laisse des plis »-, intervint un apprenti qui écopa d’une fameuse gifle.
On fit tout le possible pour effacer cette marque voyante. Comme une paysanne qui avait aidé aux couches savait une recette, les femmes descendirent sur les rives du Tarn cueillir certaine plante à l’odeur de miel, pour en réduire la fleur dans un mortier. Mais la bouillie ainsi obtenue, appliquée sur le visage du bébé, ne fit rien contre la souillure, si même elle n’en raviva pas sensiblement la teinte.
Avertie, la mère se montra fort inquiète, et davantage le père qui lisait dans cette cocarde, selon la tradition, la trace d’une envie de sa femme : – » A quoi avais-tu donc la tête, pour faire la sienne comme celle d’un rouge- gorge ? ».
Malgré tout, lorsqu’on leur présenta l’enfant qu’on venait de langer, la grimace des parents tourna lentement au sourire. Certes, le visage du nourrisson était mangé pour plus de la moitié par un laid naevus, qui commençait à l’oreille, avalait le menton et suivait jusqu’au front l’arête du petit nez, mais la couleur, un rouge vermillon nuancé de mauve, en était superbe, d’un éclat et d’un uni propres, vraiment à éblouir le connaisseur.
Maître Lucas déclara avec fierté qu’aucun de ses bains de garance ou de cochenille, si honorés auprès des drapiers, n’avait jamais produit de sang aussi vif. – » Avec pareille enseigne, notre gars, bien sûr, fera carrière dans le teint ! – » prédit l’artisan qui riait à belles dents. La mère enchérit : – » N’est-ce-pas aussi qu’il porte à vie les couleurs de son nom ? « –
Sur cette dernière pensée qui rappelait le fond écarlate de l’écu familial, toute l’assistance se répendit en acclamations et vint chaleureusement serrer la main du père.
On coucha le nourrisson coiffé d’un joli béguin de dentelle dans un berceau de bois et toute la ville fut bientôt instruite qu’en la maison de Lucas et d’ Eléonore, un futur maître de teinture venait de voir le jour… -«
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