Le livre présenté par Chantal pour l’apéritif littéraire virtuel du 7 décembre 2020, Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier, paru le 2 septembre 2020 aux éditions de Minuit
Résumé :
Il ne reste presque plus rien à La Bassée : un bourg et quelques hameaux, dont celui qu’occupent Bergogne, sa femme Marion et leur fille Ida, ainsi qu’une voisine, Christine, une artiste installée ici depuis des années.
On s’active, on se prépare pour l’anniversaire de Marion, dont on va fêter les quarante ans. Mais alors que la fête se profile, des inconnus rôdent autour du hameau.
Son avis :
Le lecteur entre dans ce roman à haute tension pour ne plus le quitter, personnellement j’ai encore étiré ce pavé de plus de 600 pages en ralentissant ma lecture.
Comme la ligne du même nom, les câbles conducteurs se sont des phrases longues et leur alimentation un vocabulaire choisi à bon escient selon la situation et les personnages.
Nos yeux se promènent sur ce hameau de la Bassée qui montre combien certains coins de France sont oubliés, délaissés.
La désertification rurale et sa désaffection prennent tout leur sens ainsi que la fragilité des liens.
Les premiers chapitres m’ont fait penser à l’excellent film de Granier Deferre La veuve Couderc adapté d’un admirable Simenon.
La construction est au cordeau et le lecteur tendu comme un arc en plongée dans cette histoire ; l’auteur nous happe diaboliquement.
Deux personnages se dessinent dans ce paysage : la dernière arrivée Christine au crépuscule de sa vie décide de s’installer là, où petite fille elle aimait venir, elle va tanner Bergogne fils qu’elle a connu enfant pour qu’il lui vende une maison. Elle l’aménagera pour créer son atelier de peintre. Femme libre et originale, le lecteur en découvrira plus au fil de sa lecture. Une chose est certaine elle a au moins un ennemi car elle reçoit des lettres d’un corbeau, et la gendarmerie n’a pas l’air de vraiment prendre le problème à bras le corps.
Ensuite il y a Bergogne le maître des lieux, c’est l’aîné d’une fratrie de trois. Ses deux frères sont partis tôt chercher l’aventure ailleurs. Il a repris la ferme des parents. Bergogne est un être complexe beaucoup plus que son statut de paysan ne le laisserait deviner. C’est un homme peu sûr de lui malgré une carrure qui en impose. Il a une femme Marion qui travaille dans une imprimerie et rentre tard. Et leur fille Ida.
Marion va fêter ses quarante ans et tous vont vouloir fêter dignement cet anniversaire.
Ce jour-là tout vole en éclats, sans que le lecteur ne sache encore pourquoi et nous sommes au mi-temps du roman.
Ensuite nous assistons à une dissection du temps, on ressent le scalpel qui déchire les chairs du mystère.
Un huis clos en une journée une nuit, figé comme un instantané, le lecteur est tétanisé en attendant la bombe.
Avec un art consommé l’auteur va distiller selon les personnages, des réactions tant physiques que psychologiques, qui se révèleront à pas feutrés où à grands gestes désordonnés.
Tous les personnages sans exception sont des gens qui n’ont jamais eu la parole, la visibilité, qui sont humiliés constamment, les laissés au bord du chemin de la vie.
Le lecteur toujours sous haute tension va avoir l’impression que l’instantané en noir et blanc avait été déchiré en mille morceaux et qu’une main habile, minutieuse le reconstitue.
Entre monologues intérieurs et éclats de violence, l’histoire se déroule, faisant le lecteur prisonnier d’un territoire de la peur.
Et un final étourdissant.
En un mot ce roman est vertigineux et magistral.
Sa note : 5/5
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