Le charretier de la Ravissante

Couverture du livre "Le charretier de la Ravissante"
Le livre présenté par Elisabeth, Le charretier de la Ravissante de Jean-Claude Boulard aux éditions Ouest France

Sa chronique :
Quand un livre retrace une fresque de la paysannerie sarthoise de la 1ère partie du 20e siècle et que les personnages l’incarnant ne sont autres que votre grand-oncle (frère de votre grand-mère paternelle) et son fils Adolphe, cousin germain de votre propre père, la lecture en est doublement passionnante et émouvante.

Julien Auguste, bel homme d’ 1 m 90, est commis lorsqu’il part à la Guerre de 14-18. Il fait partie de ceux qui travaillent sous l’autorité des maîtres qui possèdent les fermes et les terres pour le gîte, le couvert et quelques avantages en nature. C’est comme l’indique le sous-titre du livre « Le temps des Maîtres ».

À son retour, il possède pour toute fortune ses habits et un couteau. Sa chance s’appelle Constance, héritière de la ferme de la Barre a Teillé. En l’épousant, il devient Maître Besnard, un maître qui ayant été commis peut faire autorité pour tous les travaux de la ferme.

Une grande partie du récit décrit la vie à La Barre sous la forte autorité de Julien Auguste respecté par tous : le temps des moissons, la culture du chanvre dont on fait les draps et chemises, les vergers, l’élevage des porcs, volailles et vaches dont le lait permet le barattage du meilleur beurre de la région, des chevaux, la chasse, la pêche, le braconnage. De superbes tableaux surgissent dans notre imaginaire : les meules de foin et autres paysages de champ de Van Gogh, Rosa Bonheur.

Sont évoqués le rythme des saisons, la vie quotidienne ponctuée par les tâches immuables : le nettoyage du linge, tâche exclusive des femmes, ce qui inspira à Julien Auguste cette phrase écrite sur un côté du lavoir : « Ici on lave le linge et on salit le Monde », la traite des vaches, les soins apportés aux chevaux, à la volaille, les travaux aux champs.

Julien Auguste comme tous les paysans accorde toute son importance au temps tout en le prenant, sans s’en inquiéter : il y a un temps pour tout et le rythme lent est rassurant, comme est rassurant le foin bien à l’abri dans la grange, les sacs de blé bien remplis, les repas copieux à La Barre (on dîne le midi et on soupe le soir) réalisés à partir des produits de la ferme : rillettes, poulets, poule, arrosé du cidre des pommiers de la Barre, le café qu’on prend avec « la goutte », autrement dit le calva fabriqué grâce au bouilleur de cru qui se déplace de ferme en ferme avec son alambic, dépassant systématiquement les quantités autorisées (16 litres). Le jeu de cache-cache avec les « rats-de-cave » arrivant avec leur fourgon gris dans la cour de la ferme est cocasse.

Cet homme philosophe est un excellent conteur, soucieux du bien être des gens qui l’entourent. Il deviendra maire de Teillé et restera jusqu’à sa mort un personnage digne, fort et noble.

Le cousin germain de Papa, Adolphe, le fils de Julien Auguste, fera le choix de la paysannerie, épousera Agnès dont il aura 6 enfants ; ayant hérité des qualités de ses parents, il y ajoutera des dons particuliers : il était celui qui pouvait faire téter les poulains, était « toucheux », avocat de ceux qui ne savaient pas se défendre. Grâce à lui, La Barre continua à prospérer, il y adjoindra l’élevage des purs sang dont l’un d’eux né à la ferme fera l’objet d’un article de Paris-Match car entièrement blanc, ce qui est une couleur qui n’existe pas chez ce type de cheval.

Ce temps où les paysans pouvaient être heureux de leur activité, respectueux de la lenteur liée aux contraintes des saisons, du temps, des sols, le temps des maîtres a disparu.

Le style de Jean-Claude Boulard, élu local, conseiller d’état et ami d’Adolphe, son objectif de mettre en valeur une culture populaire menacée par une tradition orale pouvant disparaître font de ce livre un témoignage vivant et poétique. À titre personnel, j’y ai retrouvé une partie de l’histoire de mon père et ce qu’il nous racontait de sa vie dans la campagne sarthoise.


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