Livre d’Aki Shimazaki

Couverture des livres d'Aki Shimazaki
Les livres présentés par Chantal d’Aki Shimazaki  ( écrits en français ) aux éditions Acte Sud 

Sa chronique :
Azami : (Coup de cœur) fleur de chardon

Dans cette nouvelle pentalogie, le lecteur va faire connaissance avec Mitsuo, trentenaire, rédacteur en chef d’une revue culturelle, qui aux détours d’une journée chargée va voir resurgir son passé lorsque Gorô ancien camarade de primaire l’interpelle. Les années sont passées sans que Mitsuo ait voulu entretenir de liens. Chacun a fait sa vie, ils sont mariés et père de famille. Une vie banale ? Peut-être pas, comme le chardon, il faut passer le rempart des apparences pour découvrir ce qui se cache.

Cela va commencer, lorsque Gorô, président d’une grosse compagnie va entraîner Mitsuo dans un club très sélect où officie Mitsuko, elle aussi ancienne camarade de classe, devenue entraîneuse. Elle fut le premier amour de Mitsuo.

D’emblée nous apprenons que Mitsuo et sa femme Atsuko forment un couple « sexless » et au Japon chaque problème à une solution institutionnalisée.

Avec minutie, l’auteur tisse la toile du quotidien de Mitsuo pris entre sa vie maritale dont il ne veut pas se dépendre et sa vie amoureuse et ce regain de jeunesse et de liberté qu’il a avec Misuki, qui a un enfant qu’il ne connaîtra pas. Beaucoup de mystères !

La fille de Mitsuo dit à son père : « maman m’a appris le langage des fleurs. Pour l’azami, c’est l’indépendance, ne me touche pas, la vengeance. »

Ô temps, suspend ton vol ! pour mieux se distendre et continuer sa route.


Hôzuki : physalis ou fleur d’amour en cage.

Nous découvrons Mitsuko, femme mystérieuse et complexe.
Cet opus est totalement féminin, un mélange de douceur et de force. Une alchimie pour démontrer combien il faut d’énergie pour vivre en restant soi-même.
L’indépendance se paye au prix fort dans un pays aux traditions très ancrées. Mitsuko a fait des choix qu’elle assume, elle reste droite et marche tête haute. Que se cache-t-il derrière cette carapace ?

« La religion, c’est de croire, et la philosophie, c’est de douter. »

Jeune fille, elle n’a pu finir ses études, mais elle a acquis une culture qui en fait pâlir plus d’un. Elle aura une librairie de livres d’occasion et un fonds impressionnant de livres de philosophie qu’elle connait bien. Elle devient une référence pour beaucoup.

Hôzuki, en langage des fleurs signifie mensonge. Qui ment ? Pourquoi ?

Suisen : narcisse, symbole de l’égoïsme et de la vanité jusqu’à la mort.

Nous découvrons le camarade Gorô, sa femme, ses enfants et ses trois maîtresses.

Le portrait de ce dernier se dessinait, Mitsuo en avait gardé le souvenir de quelqu’un de gentil, mais pas très sérieux, de grandes capacités gâchées par la fainéantise. Mitsuko, elle se souvenait de son insistance à la séduire et devant son refus, de ses remarques blessantes faites devant son public de collégiens, adolescents benêts. Elle se méfiait toujours de lui.

Mais qui est-il ? Les blessures d’enfance sont-elles une excuse pour se conduite en parasite et nuire ?

A travers la vie de Gorô, nous découvrons les fondements de la vie familiale japonaise. L’auteur nous entraîne dans ses méandres et nous montre qu’il y a eu évolution, et que les femmes peuvent avoir voix au chapitre.

« Je ne veux pas épouser une fille plus instruite que moi. Je crois toujours que, pour former un couple idéal, l’homme doit être supérieur à sa femme sous tous les rapports. »
Il met le « je » à toutes les sauces et va de déceptions en déceptions, lui qui croyait avoir si bien organisé sa vie, se rend compte qu’elle n’est emplie que de vide.

Son château de cartes s’écroule et l’enfant blessé, tapi, resurgi chez cet homme d’âge mûr.

Fuki-no-tô : tige de pétasite.

Atsuko la femme de Mitsuo, dans le premier opus se révélait comme une femme, qui s’en faire de bruit, construisait sa propre route, avec autant d’obstination que d’indépendance.

Elle discutait avec son mari de ses projets, plus à titre consultatif que délibératif.

Elle inverse les rôles et finalement c’est lui qui fait des concessions, et se lance dans sa propre entreprise pour ne pas perdre son foyer. Est-ce le bon choix ?

« Avant notre mariage, Mitsuo me répétait avec assurance que je deviendrais une bonne mère, sage, douce mais ferme. Je le suis maintenant, je crois. Et lui, il est devenu un bon papa, comme je m’y attendais. Nous dormons ensemble, nous discutons amicalement. Malgré tout, j’envisageais parfois de me séparer de lui, même avant son aventure amoureuse. Ce n’était pas seulement une question de goûts différents. Je sentais qu’il manquait quelque chose de fondamental entre nous. »

Atsuko a crée sa ferme biologique, elle travaille beaucoup et doit engager quelqu’un pour la seconder. Plusieurs candidates sont évincées. Jusqu’au jour où se présente Fukiko.

C’est une ancienne amie de Atsuko, elle ne fréquentait pas la même école, mais des liens s’étaient noués avant que la vie ne les sépare.

Nous découvrons un Japon moderne, grâce à la persévérance des femmes. Un quotidien loin des images véhiculées.

Maïmaï : l’escargot, symbole de la fertilité mais aussi du fardeau que chacun porte…

Mitsuko décède subitement et encore jeune. Sa mère quatre-vingt trois ans en est très affectée. Mais pour Torô, si le chagrin est là, il se remémore des conversations avec sa mère, faites de beaucoup de liberté et de franchise, sur la vie et la mort. Il sait que cette mort là lui convenait. Elle lui a appris à aller de l’avant, c’est ce qui a fait de lui ce jeune homme accompli et attentionné malgré son handicap et son métissage.

Il a une petite amie Mina, mannequin mais il pressent que ce n’est pas la femme de sa vie.
La revue Azami (celle créée par Mitsuo) a publié son décès. Hanako, la petite fille de diplomate, qu’il a connu enfant, vient lui présenter ses condoléances. Ses retrouvailles vont tout bouleverser.

Le deuil c’est le temps de l’acceptation de la perte d’un être cher mais aussi de la découverte de ce qu’il était. Sa part de secrets.

Élevé avec amour Tarô n’a jamais su que sa mère tirait ses revenus de son métier d’entraîneuse. Il ne connaissait que la belle éducation reçue qui lui a permis de devenir un homme et un peintre accomplie, voie qu’il chérissait. Seul héritier, il investit sa maison natale, pour continuer à veiller sur sa grand-mère. Il nettoie, range et va faire de nombreuses découvertes.

Tarô aime passionnément Hanako.

La mère de Hanako avait rêvé d’un maïmaï avec un diplomate pour sa fille. Elle s’oppose au mariage des tourtereaux, alors que le père réticent au début est séduit par la personnalité du jeune homme.

Qu’adviendra-t-il de cette passion ?

Lire les pentalogies d’Aki Shimazaki, c’est vivre les quatre saisons de Vivaldi. L’être humain n’est qu’un élément dans la nature qui nous énivre de ses parfums et de ses musiques.
Mitsuo, serait l’automne, Gorô l’hiver, Mitsuko le printemps et Atsuko l’été.

Torô est les quatre saisons, la jeunesse et un bel avenir dans la création avec pour socle beaucoup d’amour adossé à une solide éducation. Mais pour autant connaît-il son identité ?
La nature est omniprésente pour exprimer la vie et ses multiples facettes, trésor que nous portons tous en nous de façon différente, véritable richesse.

L’auteur a l’art suprême de rendre l’ordinaire extraordinaire, avec poésie et souffle.
Dans cette troisième pentalogie son art explose, comme un feu d’artifice multipliant les couleurs, les parfums, les émotions et les sentiments. Une explosion de vie, à chacun son karma dans le cosmos.

Aki Shimazaki d’origine japonaise, vit au Canada et écrit en français.

Cette histoire est comme le chardon, à la fois sauvage et sensuelle.
©Chantal Lafon-Litteratum amor

Sa note : 5/5

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